Tsniout et TikTok : pourquoi les influenceuses juives fascinent-elles autant ?

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Sur TikTok, un phénomène inattendu émerge : des comptes tenus par de jeunes femmes juives pratiquantes, qui partagent leur quotidien dans le respect de la tsniout – ce principe de pudeur vestimentaire et comportementale dans le judaïsme orthodoxe – attirent une audience massive. Plus étonnant encore, ces comptes ne séduisent pas seulement des jeunes femmes juives, mais aussi des non-juives qui s'y sentent en « safe place ». Pourquoi cet engouement ? Décryptage.

La tsniout est un concept central dans la tradition juive, prônant la modestie dans l'habillement et l'attitude. Longtemps perçue comme un code strict réservé aux milieux religieux, elle s'affirme aujourd’hui sur TikTok comme un mode de vie attractif, inspirant et presque tendance. Des créatrices de contenu comme Léa Layani, Sima Cohen Layani ou encore Hannaforkids mettent en avant des looks élégants, un quotidien rythmé par des valeurs familiales fortes et une féminité assumée, sans jamais transgresser les principes de leur foi.

UNE “SAFE PLACE" POUR LES FEMMES ?

Ce qui surprend, c’est l’adhésion massive de nombreuses non-juives qui, loin de se sentir exclues par ces pratiques, les revendiquent comme une source d’apaisement. Les commentaires sous leurs vidéos sont édifiants : « Je ne suis pas juive, mais ce style de vie me parle tellement », « Ici, il n’y a pas de pression, juste de la bienveillance », ou encore « Merci d’avoir créé cet espace sain et apaisant ». Face à l’hypersexualisation croissante des contenus sur TikTok et la pression sociale du « always more » (plus de peau, plus d’exhibition, plus de provocation), ces comptes offrent une alternative rassurante.

Cet engouement s’explique d’abord par un retour aux valeurs traditionnelles. À l’heure où les injonctions modernes prônent à la fois l’empowerment et l’exhibition, certaines jeunes femmes recherchent un modèle où la féminité ne se résume pas à la séduction. La tsniout propose une réponse à cette quête d’authenticité et d'élégance discrète. Ce phénomène est aussi une forme de refuge face à la saturation numérique. TikTok regorge de contenus anxiogènes ou agressifs. Ces influenceuses, en partageant des instants de vie doux et apaisants, créent une bulle de positivité qui séduit celles en quête de sérénité. L’esthétisme sobre mais travaillé de la tsniout joue également un rôle important. Longues jupes fluides, manches longues élégantes, foulards sophistiqués… Loin d’être austères, ces styles vestimentaires inspirent une mode intemporelle qui trouve écho auprès de nombreuses jeunes femmes. Enfin, l’influence du mysticisme et du sacré est indéniable. On observe un regain d’intérêt pour les traditions religieuses, que ce soit à travers l’islam, le christianisme ou le judaïsme. Cette recherche de sens pousse certaines à s’inspirer de modes de vie spirituels, sans nécessairement adhérer pleinement à la religion.

UNE MODE PASSAGÈRE OU UN MOUVEMENT DE FOND ?

Le succès de ces influenceuses interroge : assiste-t-on à une simple mode ou à un changement plus profond ? Si l’esthétique et l’apaisement qu’offre ce mode de vie expliquent une partie du phénomène, la tendance révèle aussi un ras-le-bol face à l'hypermodernité et une envie de se réapproprier des valeurs plus intimes. Les influenceuses de la tsniout ne sont pas juste des créatrices de contenu, elles incarnent un nouvel idéal de féminité : assumée, pudique et apaisée.

Un lien avec le mouvement tradwife ? Pas vraiment. Certains pourraient rapprocher cette tendance du mouvement "tradwife", où des femmes prônent un retour aux rôles féminins traditionnels dans une vision souvent idéalisée des années 50. Pourtant, la tsniout et ces influenceuses juives ne s’inscrivent pas dans cette dynamique : elles ne cherchent pas à promouvoir un modèle patriarcal, mais plutôt à exprimer leur féminité à travers des valeurs spirituelles et une esthétique élégante. C’est une démarche personnelle, souvent religieuse, et non une revendication politique ou réactionnaire. Et si la modernité passait, paradoxalement, par un retour à la simplicité ?

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